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    LE JARDIN DÉLAISSÉ

     

     

     

    Du sol sec cent fois rebattu,

    Entre le chiendent et la mousse,

    Obstiné, le narcisse pousse

    Et flamboie à fleur que veux-tu;

     

    L'ancolie et la primevère,

    En sauvageonnes sans façons,

    Aux allées comme au vieux gazon,

    Prodiguent leur graine légère;

     

    L'iris foisonne; du lilas

    Les drageons lutinent les branches;

    Le rosier pimprenelle épanche

    Le fouillis de ses falbalas:

     

    Ô jardin que la main délaisse,

    Paradis perdu sans fracas,

    Fruste éden qui ne songes qu'à

    Fleurir et refleurir sans cesse,

     

    Ô frère naïf de ce Mont

    Où la Muse oubliée sommeille,

    En rêvant qu'un Orphée réveille

    Les rythmes purs que nous aimons!

     

     


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    GHAZEL DE L’ABSENCE

     

     

    Le temps étire d’heure en heure ton absence,

    Le jour s’afflige et la nuit pleure ton absence.

     

    Qui comprendrait que je vis d’ombre et de désert

    Quand nul ne sait qu’en moi demeure ton absence ?

     

    Tes yeux, tes mains, la chère forme de ta voix,

    Elle éteint leur plus mince leurre,  ton absence.

     

    En vain chante l’Orphée obtus de la mémoire :

    Feu sans corps sur sa lyre affleure ton absence.

     

    Dans un caveau d’oubli, pour qu’enfin je revive,

    Faudra-t-il  que s’emmure et meure ton absence ?

      

      

     

     


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             E  LA NAVE  VA 

     

     

     

    Le poète autrefois posait, le soir venu,

    Les songes de sa plume aux pieds de la déesse,

    Muse dont la faveur, veillant sur sa prouesse,

    Ouvrait à ses regards les seuils de l’inconnu.

     

    Puis l’amour d’une dame, offert ou contenu,

    Mit aux doigts du trouvère un luth plein de tendresse

    Et, pour charmer le cœur de son enchanteresse,

    La lui fit dans ses vers louer par le menu.

     

    À présent qu’en l’honneur des amantes fidèles

    On hésite à dresser des temples et des stèles,

    Vers qui porter sa voix ? D’où tenir la beauté ?

     

    Mais peut-être du vent, de la mer, des étoiles

    Suffit-il d’éprouver sans fin la nouveauté

    Pour que toujours l’esprit s’élance à pleines toiles !

      

      

     


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    FRAGMENTS D'ART POÉTIQUE

     

    I                                          

     

    Fleurs ou visages                

    Bure ou satin             

    Le vrai l'image           

    Tout fait butin            

     

    Si ce qu'il tient           

    N'est qu'un mirage     

    Le croire vain            

    Serait-il sage

                                     

    Oui quand il chante    

    C'est dans sa voix      

    Que se lamentent       

    Toutes les voix

                                     

    Est-il sorcier

    Est-il poète

    Le monde entier

    Bat dans sa tête

     

     

     

             II

     

     

    Les mots appellent les mots

    Que sais-tu de ce qu'ils disent

    Tu vas comme ils te conduisent

    Ni temps ni lieu de repos

     

    L'un puis l'autre sans pitié

    Une charrue dans la plaine

    Ta main court où ils la traînent

    Par les sillons du papier

     

    Est-ce à toi de les changer

    S'ils viennent toujours les mêmes

    Qui donc sera le poème

    Les brebis ou le berger

     

      

      

      

     

      

         III

     

                                La poésie est un cri, oui! mais c'est un cri habillé.

                                                                                      Max JACOB

                                           

    Vieux fer battu sur tant d'enclumes,

    Sabot que dédaigne le pas

    Des prophètes en qui s'allume

    Le cri qu'ils n'habilleront pas,

     

    Humble écho de rythmes éteints,

    Te feront-ils, ceux qui t'exhument,

    Quitter les sentiers clandestins,

    Vieux vers limé sous tant de plumes?

      

      


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    IMPROMPTU

     

     

    Perles ou larmes,

    les notes pleuvent du piano,

    roulent, légères,

    rosée sur la feuille,

    s’effondrent, sombrent

    dans le puits d’un silence éternel,

    renaissent, tenaces,

    tâtonnent au bord du gouffre,

    et rejaillissent,

    modeste et clair ruissellement

    en quête de lumière.

      

      

     


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