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Par Clarence D le 26 Mai 2012 à 14:30
LE FLEUVE DANS LA VILLE
Reptile apprivoisé qu’habille de velours
La main lisse du vent sur ses airs d’Orénoque,
Le fleuve dans la ville étire ses flots lourds,
Froissant en plis rieurs sa moirure équivoque.
Les hommes sur ses bords ont dressé leurs palais,
Accroché leurs balcons, déroulé des halages ;
L’érable et le lilas dévalant des remblais
Brodent sur sa peau verte un leurre de feuillages.
On le voit, quand avril dore son dos épais,
Au pied des ponts suspendre indolemment ses ondes,
Où les frontons naïfs se contemplent en paix,
Réjouis d’y trembler en formes vagabondes.
Cependant, le flux râpe et la glèbe et le mur ;
Rongeur sournois au flanc aveugle de la rive,
Bribe à bribe il emporte, en un trophée obscur,
Chaque jour un peu plus de leur substance vive ;
Et si l’orage, un soir, du dragon somnolent
Devait gorger la panse à crever les écailles
Et qu’en remous bourbeux sa lymphe s’écoulant
Submergeait les jardins, les maisons, les murailles,
Quel indomptable esprit planerait sur les eaux ?
Quel souffle éveillerait quelle bouche féconde
Qui rechante sans peur dans l’âme des roseaux,
Pour qu’à nouveau la ville ait pignon sur le monde ?
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Par Clarence D le 25 Mai 2012 à 08:18
TABLEAU DE PRINTEMPS
Dans la chambre tiède et vermeille,
L’enfant dort au creux du berceau ;
Sur le balcon, tant qu’il sommeille,
Venez, ma toile et mon pinceau !
Près de la fenêtre entr’ouverte,
L’oreille au guet,
Je tempère d’une ombre verte
L’or d’un bouquet.
Heure entre les heures sereine,
Quand l’azur rayonnant du ciel
Sur les ondes de son haleine
Disperse des parfums de miel…
À mes doigts poursuivant leur rêve
Voici mêlé
Un rayon dansant que soulève
Le souffle ailé,
Puis, furtive et folâtre intruse,
La brise enlaçant le rideau
Secoue en averse profuse
La lumière sur le landau :
L’enfant sous la clarté câline
Ouvre les yeux
Et jase au rayon qui lutine
Ses doigts joyeux,
Et moi, dehors, je m’émerveille
Lorsque des volets demi-clos
S’égrène jusqu’à mon oreille
Son rire en grêle de grelots.
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Par Clarence D le 12 Mai 2012 à 11:41
LES AMANTS
Les verra-t-on, furtifs, dans l’ombre solitaire,
Sous l’idéale nuit d’un avril embaumé
Où le vent jette au cœur avide d’être aimé
La verte exhalaison des encens de la terre ?
Leurs pas glissent ensemble à travers bois et champs ;
Nul ne sait quel éclair de candide démence,
Les a, tout éperdus de cette audace immense,
Déliés ce soir-là de scrupules touchants ;
Mais ils s’enfuient, muets tant leur âme est sonore,
Faisant fi de fournée ou de linge au lavoir,
Oublieux d’êtres chers qui comptent les revoir,
Et rêvant que pour eux dorme à jamais l’aurore.
SEPTIÈME CIEL
De ma fenêtre tu verras,
Quand je te tiendrai dans mes bras,
Le ciel dorer sa voûte immense
Et pour notre amour qui commence
Dresser cent décors d’opéras ;
La chair confite des cédrats
Et la chaleur de l’hypocras
Scelleront pour toi la clémence
De ma fenêtre ;
Et sans brillants de vingt carats,
Sans brocarts, martres ni surahs,
Quand du bonheur pur la semence
Aura fleuri dans ma romance,
À jamais tu te souviendras
De ma fenêtre.
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Par Clarence D le 11 Mai 2012 à 13:59
PRÉSENCE
Tant qu’autour de leur nom la bouche
Pose la ferveur des baisers,
Tant que le sang brasse, farouche,
Les sentiments inapaisés,
Tant que la nuit voit leur visage
Sous les paupières s’éveiller,
Tant qu’une larme fait naufrage
Dans la tiédeur de l’oreiller,
Tant que la mémoire bavarde
Ranime leurs pas et leurs voix,
Tant que l’œil au-dedans s’attarde
Sur leurs manières d’autrefois,
Tant que la main vide s’égare
À palper l’ourlet d’un chapeau,
Tant que dans le songe on s’effare
D’encore avoir touché leur peau,
Les morts ne sont pas morts, ils vivent
Au fond de nous, philtres, poisons
Dont les ferments longtemps dérivent
Au bord des mots que nous disons ;
Les morts ne sont pas morts, ils errent,
Sans se plaindre, sans murmurer,
Entre les souvenirs qu’enterrent
Nos cœurs fatigués de pleurer ;
Les morts ne sont pas morts, ils frôlent
De leurs tendres frémissements
Nos vœux, nos soupirs, ils s’enrôlent
Dans les drames de nos serments ;
Les morts ne sont pas morts, leurs rêves
Hantent la nuit des profondeurs
Où nos âmes quêtent des trêves
À leurs impossibles douleurs ;
Les morts vivent pour qui les aime
Malgré le temps et les frimas,
Ils dorment au chaud du poème
Qui redit que tu les aimas.
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Par Clarence D le 10 Mai 2012 à 13:56
TOMBEAU
Tu ne verras plus le printemps ;
Tu ne sens pas frémir la brise
Ni vibrer le matin que grise
Son reflet d’or dans les étangs.
Tes yeux sont fermés, ton oreille
Est sourde à la chanson des nids ;
Tous les jours pour toi sont finis
Quand la terre en riant s’éveille.
Tu ne verras pas le printemps,
Ni l’été royal, ni l’automne ;
De ta voix que l’ombre emprisonne
L’écho s’essouffle au fond du temps.
Roide ta main, froid ton visage ;
Des sèves montantes l’effort
Évite le marbre où s’endort
Le souvenir de ton courage.
Veilleur frêle aux feux inconstants,
Avant que la mort l’éternise,
Le cœur, d’y trop songer, se brise :
On peut ne plus voir le printemps.
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