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    MÉLANCOLIE DE PRINTEMPS

     

       

    Les matins sont plus clairs, le jour bleu fraternise

    Avec l’odeur de miel éparse au fil du vent ;

    Le chat, gourd de tiédeur, assoupi sous l’auvent,

    Laisse l’oiseau chanter comme en Terre Promise.

      

    L’insecte de soleil et de nectar se grise ;

    L’ombre est douce quand passe, au zénith dérivant,

    Un nuage égaré qui s’éloigne en rêvant

    - Peut-être - de pleurer ses embruns sur Venise.

      

    Le cœur vibre, aussi vif que les vols de pinsons

    Guettant sur les blés verts la blondeur des moissons,

    Mais aux larmes d’avril le voici qui frissonne :

     

    Tant de printemps déjà pour jamais révolus

    Et tant d’êtres chéris qu’on ne reverra plus !

    Est-ce un glas, blanc muguet, que ta clochette sonne ?

      

      


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    NEIGE

     

     

    Toi qui dans l’ombre as revêtu

    Nos routes de ta blancheur vaine,

    Maudite neige, ignores-tu

    Qu’on m’attend là-bas dans la plaine ?

     

    Sceau jaloux qu’a posé la nuit

    Sur mon chemin, peste enjôleuse,

    Quel souffle sournois a conduit

    Vers mon seuil ta candeur fâcheuse ?

     

    Qu’exulte le gamin frondeur

    Dont l’œil pétille et s’illumine,

    Et chante qui veut la splendeur

    Du mélèze fourré d’hermine !

     

    Jubile, toi, stérile amant

    De la beauté morte des glaces

    Et des purs cristaux froidement

    En tombeaux changeant les crevasses !

     

    Et toi, sectateur ingénu

    Des maigres plaisirs de la glisse,

    Rêve d’un corps rompu menu

    Et d’un nez couleur d’écrevisse !

     

    Moi, je rage et mâche mon frein,

    Tant j’aimerais, neige importune,

    Que l’ire d’un Râ souverain

    Ronge ta croûte et ma rancune ;

     

    Neige intruse, sans toi j’allais

    D’un ami cher pousser la porte :

    À moi, pelles, râteaux, balais,

    Et qu’au diable le vent t’emporte!

      

      

      

     


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    NOËL  SUR  LE  CAUSSE

     

    Pour sapin, le genévrier

    Tiré du bois maigre où frissonne

    La feuille que les vents d’automne

    Du chêne n’ont pu délier.

     

    Déroulé leur nid de guirlande,

    Voici briller six boules d’or :

    Parmi les piquants du décor,

    À doigts prudents, qu’on les suspende !

     

    Les astres de pâle carton,

    Du papier d’argent les habille,

    Et l’arbrisseau joyeux scintille,

    Nimbé d’un unique feston.

     

    Pour la grotte, suffit qu’on façonne

    Le fond d’une boîte à souliers ;

    Autour, des rocs de krafts grossiers

    Qu’artistement  la main chiffonne.

     

    Du lichen neige sur les creux ;

    Vers des gazons de fraîches mousses,

    Douze moutons, labrit aux trousses,

    Égaillent leur troupeau peureux.

     

    Trois bergers, dont l’un s’agenouille,

    L’autre serre, en fait de collet,

    Sur sa nuque un frêle agnelet,

    Et la bergère a sa quenouille.

     

    Joseph en brun, Vierge d’azur,

    L’Enfant comme de sucre rose ;

    L’âne veille, et le bœuf repose,

    Jarret brisé, contre le mur.

     

    Et pourquoi pas déjà les mages ?

    À l’écart… deux chameaux pour trois…

    Couronne et pourpre de vrais rois,

    Mais leurs présents pour seuls bagages…

     

                       ***

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Point de neige en blancs tourbillons

    Sur les murs gris, la tuile obtuse ;

    D’aucun seuil ni chemin ne fuse

    L’exubérance de lampions :

     

    Minuit dort. Pour demain, le prêche,

    Les cantiques, l’harmonium,

    L’encens baignant d’un Te Deum

    Les santons géants de la crèche,

     

    Quand du soulier ciré le soir

    Seront nés, pour fruits de l’attente,

    Le livre ou le jeu - qu’agrémente

    Un jésus de chocolat noir.

     

    Le jeu se partage, et le livre,

    Au long des mois repris, relu,

    Rouvre sans fin l’espace élu

    Et de toute entrave délivre.

     

    L’enfant qui rêve est-il naïf ?

    S’il aime se bercer d’histoires,

    C’est qu’elles drapent de leurs moires

    Ce que le monde a d’incisif.

     

    Noël à peine carillonne

    Dans le village aux bois dormant ;

    Le conte fait qu’à tout moment

    L’espoir de mille cloches sonne !

     

     

     

     

     

     

                                


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                                      UN VILLAGE

     

     

    Ils disent que tu n’es pas mort,

    Mais on a fermé ton école ;

    De sa cour plus jamais ne sort

    Un chant narquois de carmagnole ;

     

    Son préau clos de verre obscur

    N’abrite ni jeu  ni rengaine,

    Aucun front ne colle à son mur

    L’excès d’un rire ou d’une peine ;

     

    Il exhibe un appareil froid,

    Récuré jusqu’à l’os des pierres,

    Un échafaud rigide y croît

    Entre l’acier des étagères.

     

    Ils disent que tu vis toujours,

    Mais ton sol vire tout en herbe,

    Sans qu’octobre y songe aux labours

    Sans qu’un fervent juillet l’engerbe ;

     

    Du penchant qu’il ensoleillait,

    On a banni le cep de vigne ;

    Près du vallon où l’on cueillait,

    L’ancolie au vent se résigne ;

     

    Tes fossés de si frais rasés

    Te font un masque funéraire,

    De tes sous-bois dûment purgés

    Fuit l’églantine téméraire.

     

    Des barrières à tes chemins

    Parlent d’absences et de crainte,

    De machines au lieu de mains,

    Le buis à vif trahit l’empreinte.

     

    Et les nuits d’été quelquefois,

    Se peut-il qu’on entende encore,

    D’une ferme ou du fond des bois,

    Un cri s’enquérir de l’aurore ?

     


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    NOVEMBRE

     

      

      

      

      

    Aux volets clos dans le jour qui décline,

    Au parasol replié sous l’auvent,

    Au jardin glabre, à la treille orpheline,

    Au sentier nu que ratisse le vent,

     

    J’ai reconnu l’amère discipline

    De votre absence et j’ai vu, s’élevant

    Avec la nuit du pied de la colline,

    L’oubli vers moi tendre son doigt savant.

     

    Mais sous les feux douteux du crépuscule,

    J’écoute au fond de la chair somnambule

    Gémir les souvenirs désassemblés,

     

    Et l’œil recru de soleil qui succombe

    Fait vaciller le pas devant la combe

    Où l’air du soir carde les jeunes blés.


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