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    BERCEUSE

     

     

    La bouche mi-close fredonne

    Pour l’enfant que bercent les bras ;

    Dans l’ombre où son rouet ronronne,

    La Parque tisse de beaux draps.

     

    Pour l’enfant que bercent les bras

    Viendra le temps de l’imprudence :

    La Parque tisse de beaux draps

    Jusqu’au bord des pistes de danse.

     

    Viendra le temps de l’imprudence :

    Combien de mères trembleront

    Jusqu’au bord des pistes de danse,

    Espoir et crainte à fleur de front !

     

    Combien de mères trembleront

    Tant les enfants mettent de flamme,

    Espoir et crainte à fleur de front,

    À fuir où le sort les réclame,

     

    Tant les enfants mettent de flamme

    À tirer sur le fil des jours,

    À fuir où le sort les réclame,

    Remportant honneurs et amours !

     

    À tirer sur le fil des jours,

    La trame du temps périclite,

    Remportant honneurs et amours,

    La force s’use à leur  poursuite.

     

    La trame du temps périclite,

    Dans l’ombre chantent les fuseaux ;

    La force s’use à leur poursuite,

    Course sans fin de folles eaux.

     

    Dans l’ombre chantent les fuseaux ;

    La Parque à son fil monotone,

    Course sans fin de folles eaux,

    La bouche mi-close, fredonne.

      

      

     


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    TOURTERELLES

     

    Tout autour de ma maison

    Roucoulent les tourterelles,

    Le jour est trop court pour elles,

    Trop vite fuit la saison,

    La saison pourtant si belle

    Quand l’aurore en ses atours

    Et les soirs où l’or ruisselle

    S’enchantent de leurs amours.

     

    Tout autour de mon jardin

    Des enfants couraient naguère,

    Feux follets, foudres de guerre,

    Gare, rose et lavandin !

    Que de gaîtés, de colères,

    Que de farces, chers gredins !

    Les heures valsaient, légères,

    Mieux que bonds de baladins.

     

    Tout autour des souvenirs

    Enroulant sa brume douce,

    L’oubli lentement émousse

    Les regrets et les soupirs ;

    Il pare de feuilles rousses

    Les arbres las de fleurir,

    Vêt de lichens et de mousses

    La forêt près de finir.

     

    Tourterelles, chuchotez

    Aux confins de la mémoire

    Pour qu’on ose longtemps croire

                                  À la douceur des étés

    Et qu’au creux des heures noires,

    Reposoir d’éternité,

    Votre chant tisse des moires

    De tendresse et de clarté.

     

     


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    LES LIVRES 

     

               

    Est-ce discours de déraison ?

    Est-ce louange à l’étourdie ?

    Ils sont la terre et la maison,

    Les racines, la frondaison,

    Ils sont l’Eden et l’Arcadie.

     

    Ils fixent contre les oublis

    À l’impalpable fil des pages

    L’essence des temps accomplis,

    Du songe ils entr’ouvrent les plis

    Et de l’avenir les présages.

     

    Aux Cendrillons d’avant le bal

    Ils montrent la splendeur du monde,

    L’arc-en-ciel dans le carnaval,

    Et comment du caillou banal

    Surgit l’étincelle profonde.

     

     

    Ils déroulent les écheveaux

    De l’amour et de la rancune,

    Des douleurs émoussent la faux

    Et la clarté de jours nouveaux

    Y rit au nez de la Fortune.

     

    Vers leur imaginaire azur

    Envolez-vous, âmes qu’étonne

    Le désordre de l’être impur !

    La tendresse du clair-obscur,

    Vous l’y trouverez, cœurs d’automne !

     

    Leur accueil est sans trahison

    Et leur flamme sans incendie :

    Heureux qui sent, dans un frisson,

    Du plus dru de leur feuillaison

    Sourdre un effluve d’Arcadie !

     


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    ALEA...

     

     

     

    Ce mot-ci, pas celui -là,

         J'écris, je rature,

    Chasse ouverte au falbala,

     

    Mais la phrase, quoique injure

         A la vérité,

    Fourgue l'or de sa figure:

     

    Sous son air de fausseté,

         Quel écho s'allonge

    Et chuchote en aparté?

     

    Quel acide  des mots ronge

         L'oubli qu'espéra

    Tisser l'ersatz de mensonge?

     

    Ouverture d'opéra:

         Le poème songe

    A ce que la voix taira.

     

     


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    L’OURAGAN

     

     

     

    Ce vent qui vient du fond de l’horizon,

    Gonflé de pleurs et couronné d’orage,

    L’entendons-nous gronder sur la maison ?

     

    Nous qui veillons, reclus, l’œil à l’ouvrage,

    Et nous, dormeurs assurés d’avenir,

    Entendons-nous l’augure du naufrage ?

     

    Dans nos tiédeurs, entendons-nous hennir

    Et se cabrer sur l’arête des tuiles

    Les chevaux que nul frein ne peut tenir ?

     

    Dans le donjon de nos rêves dociles,

    Entendons-nous ramper au pied du mur

    Les élans convulsifs des noirs reptiles ?

     

    Tendres humains terrés dans l’antre sûr

    Aveuglément tissé d’œuvre ou de songe,

    Oublions-nous combien loin de l’azur

     

    Conduit ce flux que notre souffle allonge ?

      

      

     


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