• FUGUE POUR VIOLON

     

    FUGUE  POUR  VIOLON

     

     

     

    L’objet gisait au milieu du sentier, parfaitement insolite dans ce cadre bucolique. Agacé d’avoir à slalomer entre les flâneurs des larges allées sablonneuses, Léo, suivi sans hésitation par sa sœur Astrid, avait soudain bifurqué. Il s’était enfoncé sous le couvert par la trouée lumineuse d’un layon, dont l’herbe drue faillit lui faire commettre l’irréparable écrasement. Un violon. C’était un violon. Pour être exact, un de ces violons d’une irréelle petitesse qu’au cirque l’Auguste en gants de boxe regarde, ahuri, choir de ses loques vertement secouées par le clown blanc ; après quoi, avec la triomphale modestie de l’illusionniste, il exhibe un archet lilliputien et, concentré et béat, exécute une mélodie chaplinesque, que le public applaudit la bouche épanouie et l’œil humide. Le joggeur droit, pointure 45, de Léo lancé dans son footing aurait fait craquer le minuscule instrument comme une quelconque carapace de lucane géant, sans le cri d’alarme d’Astrid, trois foulées derrière. Un hurlement de truie égorgée ! Léo broncha, tournoya, crut tomber. Il cherchait encore une injure à la hauteur de son saisissement, que déjà son aînée (qu’il dominait d’une tête et demie, mais qui, au moins jusqu’à la rencontre de Prune, le menait, comme on dit, par le bout du nez) élevait sur ses mains en corolle le précieux insecte. À distance, nimbé d’une coulée oblique de la vigoureuse lumière matinale, il lui était apparu aussi resplendissant qu’un bijou d’or rouge. De près, il l’attendrissait : de fines craquelures fissuraient le vernis de la table, une corde brisée tremblotait devant sa respiration un peu haletante.

     


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