• DEUIL DE REINE

     

      

    DEUIL  DE  REINE

     

     

     

    Le dernier dimanche de juillet, peu après une heure du matin, la foudre frappa la maison de retraite que tenaient, faubourg Saint-Sernin, les Sœurs de la Miséricorde. Les pensionnaires ne dormaient plus depuis longtemps; le fracas de l'orage les avait arrachées à leur sommeil précoce. Le diable Asmodée, qui soulève les toits et dont le regard transperce le plafond des chambres, aurait pu contempler avec irritation, dans les lits jumeaux ou solitaires, de vieilles dames dévotes, adossées à leurs oreillers, toutes occupées à égrener d'antiques chapelets de jais ou d'ivoire - souvenirs de Premières Communions, de pèlerinages à Lourdes, reliques d'une mère ou d'une sœur disparues. Les lèvres bougeaient en silence, les doigts glissaient sur le poli des grains, les yeux mi-clos guettaient par les fentes des persiennes les brusques décharges de lumière; les craquements du tonnerre, de plus en plus retentissants et proches, faisaient, malgré le fatalisme de l'âge et la raideur des jointures, tressaillir les mains ridées.

    Pourtant, personne ne redoutait vraiment ce qui se produisit, et quand, après une déflagration plus énorme encore, l'incendie se déclara, les naïves orantes demeurèrent pétrifiées dans leurs lits, aussi incapables de peur que de pensée. Ce furent les occupants des immeubles voisins qui, aussitôt alertés par le bruit et les flammes, se ruèrent vers l'entrée du couvent, à point nommé et en nombre suffisant pour recueillir une à une les pensionnaires que la poignée de religieuses tirait des draps, chaussait en hâte si des pantoufles s'offraient à leurs yeux, convoyait ou portait jusqu'à la sortie, un châle ou un gilet parfois jeté sur la chemise de nuit, plus souvent épaules et pieds nus.

      

      

     


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