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    D’UTILITÉ PUBLIQUE

      

    Pauvre langue qu’on tord, tristes mots amputés,

    Sigles, graphes, logos, jargon cabalistique,

    Discours usurpateurs de puissance drastique,

    Jacassements abscons d’ignares patentés :

     

    L’inventaire affligeant des infidélités

    Dont l’inculture abreuve et syntaxe et lexique,

    À l’amour du bien dire atteinte euthanasique,

    L’égrener pèse peu contre ses faussetés.

     

    Mais toi, poète, toi ! puisque ta plume vive

    Rend au verbe les chairs dont l’usage le prive,

    Que ton vers soit pour lui le nectar immortel,

     

    Que ton chant, comme un philtre irriguant son empire,

    En aiguise les dards, en concentre le miel,

    Pour qu’on sache demain ce que parler veut dire !

     

     (Poème écrit pour le Printemps des poètes 2015)


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    GRENADE

      

     

    Sous la rondeur trompeuse de l’écorce, quelle ville de neige et de feu érige son minaret ? Un ruissellement de fontaines y murmure des promesses, des menaces, des regrets. Des guipures d’arceaux, des gangues de mousseline engloutissent de fausses perles de sang rose, et parmi les aromes d’orange amère, la nuit fraîche des vallons ensevelit dans la sanie des siècles les larmes du chant martyrisé. Qu’éclatent et giclent les sucs, qu’ils s’écoulent des balafres tranchées à l’aveugle dans ton rempart, sphère hypocrite, suave et sauvage abrégé d’imperfection !

     


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    AGRUMES

     

     

    Mandarines, clémentines, 

    Pamplemousses, citrons verts,  

    Et vous, oranges sanguines, 

    Que rendent grâces mes vers  

    À vos succulentes mines 

    D’ensoleiller nos hivers ! 

     

     

    Messagers parmi nos brumes 

    De la tiédeur de vos ciels, 

    Pour les enfants que nous fûmes 

    Alambics de mille miels, 

    Oui, salut à vous, agrumes, 

    Délices des vieux Noëls !

     

     

     

                

     

     

     

     

     

     

     


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  • 1 - PRINCESSE CAPTIVE

     

    De ma fenêtre le verrai-je

    Sous le tulle qui me protège

    Chercher le rire de mes yeux ?

    Ne pourrait-il tomber des cieux

    Un soir d’hiver avec la neige,

     

    Ou se laisser par sortilège

    Conduire vers l’aimable piège

    Que lui tend le reflet joyeux

    De ma fenêtre ?

     

    Je suis la ville qu’on assiège,

    Mais loin de craindre le manège

    De l’assaillant, j’aimerais mieux

    Le voir en un saut  périlleux

    Allègrement franchir l’allège

    De ma fenêtre.

     

      

    2 - SENTINELLE

     

    De ma fenêtre je regarde,

    Dès l’aurore montant la garde,

    Tourner le jour et la saison,

    Et la nuit - folie ou raison -,

    Insomnieuse je m’attarde ;

     

    Les flammes dont le soir se farde,

    Le rayon blanc que l’aube darde,

    J’en vois la moindre effloraison

    De ma fenêtre ;

     

    Je m’en voudrais si, par mégarde,

    Je manquais l’heure où la camarde,

    Lasse de ma vaine oraison,

    Tendra sa faux vers ma maison

    Pour me retrancher, goguenarde,

    De ma fenêtre.

     

      3 - MATIN D’HIVER

    ou  OMNIA VICIT LABOR

     

    De ma fenêtre je regarde

    Frissonner sous l’aube blafarde

    Les arbres nus de février,

    En écoutant le vent crier

    Contre l’angle de la mansarde.

     

    Des oiseaux noirs montent la garde

    Sur les toits d’ardoise où s’attarde

    Un glacis plus froid que l’acier

    De ma fenêtre.

     

    Mais voici qu’un rayon lézarde

    La brume grise et se hasarde

    À caresser mon encrier :

    Si j’écrivais, pour oublier

    Le gel sur la vitre hagarde

    De ma fenêtre ?

     

    4 - SPLEEN

     

    De ma fenêtre on voit les jours

    S’esquiver à pas de velours

    Et sombrer sans adieu ni gloire

    Au plus obscur de la mémoire,

    Souvenirs perdus pour toujours.

     

    De leur spectre on voit les contours

    S’effacer, livides et gourds,

    Sur la transparence illusoire

    De ma fenêtre.

     

    On y voit mourir les amours,

    Et l’on entend les beaux discours

    Qu’on se plaisait jadis à croire

    Cogner parfois, dans la nuit noire,

    En vain contre les volets sourds

    De ma fenêtre.

     

    5 - RÉALISME ? 

     

    De ma fenêtre au ras du toit,

    Je n’attends pas, comme on le croit,

    Que vienne l’oiseau de légende

    Ni que le ciel en pluie épande

    L’or que prit Zeus pour masque étroit.

     

    Ni mon front sur le verre froid

    Ni mon esprit - bien trop adroit -

    Ne rêvent d’un cœur qui dépende

    De ma fenêtre.

     

    Et quand la pulpe de mon doigt

    Dans la buée ouvre un détroit

    Et le festonne et l’enguirlande,

    Mon œil n’escompte pour provende

    Que voir clairement ce qu’on voit

    De ma fenêtre.

     

     

    6 - SEPTIÈME CIEL 

     

    De ma fenêtre tu verras,

    Quand je te tiendrai dans mes bras,

    Le ciel dorer sa voûte immense

    Et pour notre amour qui commence

    Dresser cent décors d’opéras ;

     

    La chair confite des cédrats

    Et la chaleur de l’hypocras

    Scelleront pour toi la clémence

    De ma fenêtre ;

     

    Et sans brillants de vingt carats,

    Sans brocarts, martres ni surahs,

    Quand du bonheur pur la semence

    Aura fleuri dans ma romance,

    À jamais tu te souviendras

    De ma fenêtre.

     

     

    7 - HEURE DERNIÈRE

     

     

    De ma fenêtre, un soir d’avril,

    Mon âme, ayant rompu le fil

    Si léger, si fin, si fragile

    Qui l’arrime au corps imbécile,

    Prendra son vol d’un clin de cil.

     

    Fi de la crainte et du péril !

    Le regret ? Hochet puéril

    À l’instant de quitter l’asile

    De ma fenêtre.

     

    Vers la lune, sublime exil,

    Nid secret du feu volatil,

    Laissant du corps l’humble fossile,

    Se résoudre en féconde argile,

    Fuira sans peur l’esprit subtil

    De ma fenêtre.

     

     


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    BOUQUET MINEUR

     

    Pâle pourpre de l’ancolie,
    Dauphinelle aux fleurons d’azur,
    Et toi, compagne du vieux mur,
    Giroflée où l’or s’humilie ;

    Toi, marguerite qu’exfolie
    La quête d’un bonheur futur
    Et toi, cher souci qu’elle oublie,
    Comptant sans l’avenir impur ;

    Vous, étoiles du clair-obscur,
    Anémone qu’on dit sylvie
    Ou pervenche dont l’œil envie
    L’accent meurtri de bleuet sur :

    Régent sans Louvre ni Tibur
    D’un clos d’indécise survie,
    Fleurettes, comment être sûr
    Que mon stylet vous glorifie ?

     






     


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