• CONTRE PETER PAN

     

    Je ne veux pas rester enfant,

    Je veux grandir et  je veux vivre

    Pour que chaque jour me délivre

    L’histoire enclose à son levant.

     

    Je ne crains ni l’assaut du vent

    Ni la sentence du grand livre ;

    Je ne veux pas rester enfant,

    Je veux grandir et je veux vivre.

     

    Quant à finir les pieds devant,

    Si j’en tremble, la peur m’enivre

    Et j’oserai face à la guivre

    Haut et clair sonner l’olifant :

    Je ne veux pas rester enfant !


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  • Les bouts rimés sont un jeu poétique. Ils se pratiquaient au XVIIème siècle dans les salons sous forme d'improvisations. 

    La règle du jeu est simple: 

    1) Choisir 12 mots qui riment par deux, 6 nantis de rimes masculines et 6 de rimes féminines; 

    2) Composer 3 quatrains d'alexandrins en plaçant ces mots à la rime. 

    Les rimes peuvent être croisées ou embrassées. On peut s'amuser à remplacer l'alexandrin par l'octosyllabe ou tout autre mètre. Le principal problème est de trouver un thème qui permette d 'utiliser les 12 mots. 

    Évidemment dans les salons (et aujourd'hui dans les concours) les 12 mots sont imposés par une tierce personne! 


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  • LE GILLES DE WATTEAU


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  • Le matin, ils partent tôt, chacun dans sa voiture. Contre les offres tentatrices de Gilles - « Je pourrais te déposer. Pour les horaires, je m’arrangerai toujours… » -, Viviane s’obstine à conserver sa Clio d’occasion, ornée de bosses et de repeints baveux, à l’égard de laquelle il lui plaît d’afficher un attachement obtus, une sentimentalité de mère confite en indulgence. « Elle a vécu, cette voiture, elle ne craint pas les difficultés. Elle nous ressemble, au fond... » Mais, si volontiers qu’elle s’écoute  jacasser, ou plutôt précisément à travers la complaisance qu’elle y met, Viviane laisse filtrer un peu de son embarras: n’aurait-elle pas, fût-ce à son insu, cherché à garder un lien avec sa vie antérieure, un sas ouvrant sur le temps où elle décidait seule, où il était simple, si le vide de son studio lui pesait, de prendre le volant et de rouler vers une maison amie, une rue bruissante, vers une fête ?...  Quand, passé le panneau d’entrée de ville, leurs routes bifurquent - elle s’engage, en direction du centre, dans les engorgements urbains que Gilles, pour sa  part, contourne grâce au boulevard périphérique -, tandis que, par lentes saccades, elle progresse de feu rouge en feu rouge, sans ennui ni impatience, traversée de bouffées d’allégresse, même, à la perspective de la fraîche atmosphère de futilité, des sillages de parfums et des manipulations méticuleuses dont se tisse le quotidien du magasin de demi luxe où elle travaille, il arrive que par comparaison avec sa propre satisfaction elle s’inquiète du partage radical que professe son mari entre son emploi de rédacteur, adopté par raison, et sa passion pour toutes les sortes de tâches manuelles. « Qu’est-ce que tu fiches à gratter du papier ! s’emporte encore à l’occasion le père de Gilles. Est-ce qu’il n’aurait pas mieux valu que tu prennes ma suite ? - D’abord, rétorque le fils, je ne gratte rien ; j’ai un ordinateur. Ensuite, je garde le travail des mains pour mon plaisir. C’est aussi bien que de gâcher du ciment au service des autres et de s’en dégoûter. » Depuis que le père, ulcéré d’avoir dû transmettre à un étranger l’entreprise dont il tirait une fierté - légitime - de parvenu, refuse de toucher une truelle ou un niveau, préférant occuper sa retraite à des voyages d’agrément, qui l’éloignent presque aussi souvent que jadis ses chantiers, il est rare, si on l’appelle,  que le téléphone fasse entendre une autre voix que celle du répondeur. En reposant le combiné avec une lenteur dont Viviane pourrait se demander si elle relève de la méticulosité ou de la déception, Gilles hausse les épaules : « J’en sais autant que lui  après tout, je n’ai pas besoin de ses conseils. - Et de son aide ? » Mais sur ce terrain aussi, elle se sent fautive. Ses parents à elle ne réservent-ils pas le plus clair de leur soutien à sa sœur aînée, qu’un atavisme méconnu a nantie de jumeaux ? Viviane et Gilles, eux, n’ont pas d’enfants. Cela n’empêche pas que certains matins, à remarquer comme le magma de voitures tend à se figer, elle identifie les jours de rentrée, les sessions d’examens. De sous sa bulle vitrée, elle observe les visages fébriles et les jeunes corps recroquevillés dans des carrosseries trop étroites, ou bien, à l’arrière des véhicules contigus, l’effervescence des têtes d’enfants tondues de frais, lissées, corsetées de barrettes et de nœuds, virevoltant par-dessus la bosse des cartables neufs. Qu’enviable doit lui paraître alors l’anxiété des mères dont son regard caresse les mains soudées au volant et l’œil dardé sur l’encastrement des carapaces! Combien désirable, celle de ces autres mères qu’elle peut se représenter suspendues à une sonnerie de téléphone, au cri de triomphe ou de détresse qui jaillira de l’écouteur! Gilles a tranché : « Quand nous aurons une maison », puis : « Quand la maison sera retapée », conditions suffisamment raisonnables pour qu’elle acquiesce. Revenir sur cet accord sans meilleur argument que la violence du désir d’enfant n’est pas facile. N’y verra-t-il pas une marque de défiance, une remise en cause de l’équilibre - ou du déséquilibre - qui fonde leur entente ? Avec le fils de Nadia, son filleul pourtant, avec ce farfadet dont les inventions donnent à Viviane plutôt envie de rire que de gronder, Gilles se trouve vite à court de patience, qui ne s’en apercevrait ? La paternité parviendrait-elle à l’adoucir ? Mais ils ont tous deux entamé la trentaine et, devantViviane, la peau de chagrin du temps se rétrécit.


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  • D’AMOUR  ET  D’EAU  FRAÎCHE                       

     

    Dieu seul, Madame, sait combien j’aurais aimé

    Que votre œil m’inondât de sa tendresse immense,

    Et qu’en retour le mien - soit bonheur soit démence -

    Baignât de pleurs dévots votre corps embaumé.

     

    Quand des larmes, Ninon, comme on voit à l’aurore

    La rosée emperler le liseron des champs,

    Font au bord de tes cils briller leurs feux touchants,

    Mon sang soudain bouillonne en cascade sonore.

     

    Ondine dont jadis, de la source au lavoir,

    Coula le chant d’appel à l’âme solitaire,

    Je rêve que mes pas s’évadent de la terre

    Pour s’ouvrir les chemins de l’onde où te revoir.

     

     

     

     

    NAUSICAA                                                   

     

    Sur l’île que les flots battent de leur démence,

    Elle épuise ses nuits en délires touchants,

    Car le rêve à ses pas offrant la grève immense

    L’y jette sans espoir d’atteindre, au bord des champs,

     

    Là-bas où sable et sel cèdent devant la terre,

    Plus loin que l’âpre agave et le ciste embaumé,

    Au creux le plus secret d’un hallier solitaire,

    Le nid de mousse tiède où le corps de l’aimé

     

    Tomba jadis, vomi par l’ouragan sonore,

    - Et dans le songe impitoyable, nul lavoir

    Ne lui promet qu’un homme, aux lueurs de l’aurore,

    S’y dressera, pleurant de joie à la revoir.


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