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    L'Antarctique, de Claire Keegan

    Nouvelles cruelles pour la plupart. Narration à la fois feutrée et implacable, qui fonctionne tantôt comme l'éclaircissement progressif d'une énigme, tantôt comme une marche vers un avenir dont ne sait trop (à une ou deux exceptions près) s'il faut s'en réjouir ou le redouter.

    Contrairement à ce que dit la 4ème de couverture de mon édition, toutes les nouvelles ne se déroulent pas en Irlande, plusieurs se situent aux États-Unis.

     

    À travers les champs bleus, de Claire Keegan

    Ici aussi, (excepté la première, qui tient un peu de la farce malgré son titre) les nouvelles serrent le cœur. La vie semble ne pouvoir être qu'inconfortable et décevante, en dehors de quelques parenthèses de bonheur précaire.

    Sur le plan technique, le ton neutre donne du relief et en même temps relativise.

    Et certaines nouvelles dépeignent bien plus qu'un moment crucial, presque une vie entière parfois; quant aux fameuses chutes, si elles existent, elles sont curieusement estompées. Preuves, s'il en faut, que le genre ne se laisse pas enfermer dans des règles étroites.

     

     


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    NOSTALGIE

     

     

    L'étrange douleur
    orpheline d'une présence
    et par nulle autre consolable
    bien qu'à toute autre conciliante;

     

    l'étrange douleur sans douleur,
    enfant chérie, noire pupille,
    inavouable goût des prunelles âpres
    quand la vie s'encrépuscule et qu'y flambe
    votre regret,
    aubes de givre et d'impatience.

     

    L'aimable douleur,
    qui ramène au temps des tendres prémisses,

     

    fulgurance folle de l'illusion.

     

     


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    PLONGÉE

     

     

    Sur l’eau bleue où brasille un semis de soleil,

    La barque lourde tangue à contre-fil du fleuve,

    Sans que, tout à son but, le barreur s’en émeuve,

    Ni qu’aux doigts du plongeur hésite l’appareil.

     

    « Nous y sommes », dit l’un ; droit dans le cours vermeil,

    L’autre aussitôt s’enfonce, offrant - plaisante épreuve -

    À l’omble goguenard cette figure neuve

    D’homme aux tritons patauds par sa marche pareil.

     

    La main qui fouille et palpe éparpille en nuée

    Les limons où le temps tient la pierre engluée ;

    Mais qu’entre les débris sa prise ait reconnu

     

    - Œil cave, nez en proue - un avatar d’icône,

    Vite, nasse, filin ! Voici l’instant venu

     Pour Vénus ou César de resurgir du Rhône !

     

     

     


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    Nos gloires secrètes, de Tonino Benacquista

     Lecture globalement plaisante. Que les fins des nouvelles soient assez prévisibles permet de goûter les détours qui y conduisent, d'autant qu'ils sont souvent l'occasion de réflexions on ne peut plus pertinentes. Je sais que pour certains une nouvelle est avant tout une histoire surprenante menée tambour battant, mais il s'agit là d'une vue partielle, qui ne tient pas compte de la diversité des nouvelles publiées; il suffit de lire les travaux de René Godenne pour le vérifier. Les intrigues sont plutôt à mon goût (un peu moins la première), les deux dernières surtout: si L'aboyeur tire un peu trop en longueur dans sa volonté démonstrative, j'ai adoré Patience d'ange, non que le dénouement me surprenne, mais sans doute tout au contraire parce qu'il saute aux yeux très vite.

    J'en citerais volontiers un passage:

    "Angoisse, dites-vous? Contentez-vous d'une bonne inquiétude, l'angoisse n'est pas dans vos moyens, priez pour en être épargné. Dévasté pour une peine de cœur? Prétentieux que vous êtes, s'il en était des douleurs morales comme des physiques on vous traiterait de douillet, de poltron. Et faut-il être lâche pour oser mettre en avant la fatalité afin de se dédouaner de ses échecs! Méfiez-vous, la malédiction ne se fait connaître que si on la convoque. Celui qui porte sa croix comme on porte un sac de plage mérite un jour de traverser une véritable épreuve. Impossible aujourd'hui de ressentir du vague à l'âme sans s'en remettre à l'inévitable dépression et à ses menaces de thérapie. Chagrin, tristesse, de si jolis mots pour de si délicats tourments, qu'êtes-vous devenus...?"

     


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    Le Pont des Assassins, d'Arturo Perez-Reverte

     

    Septième aventure du capitaine Alatriste (la précédente m'avait paru singulièrement poussive...).

    Il est évident que l'auteur puise aux mêmes sources (Contreras et d'autres que j'ignore) que Petru Dumitriu pour son Homme aux yeux gris, si même il ne s'inspire pas de ce dernier (l'histoire de la courtisane violée en représailles...). Il prend moins de libertés avec l'histoire, alignant soigneusement les dates et divers repères historiques, il situe son roman un peu plus tard (XVIIème siècle plutôt que fin du XVIème, encore que...); il se montre plus soucieux de réalisme que de romanesque et - parfois avec un peu trop de transparence - fustige le présent sous couleur du passé.

    Reste que cet épisode se lit avec plaisir, malgré une certaine lenteur caractéristique de la série et un goût manifeste pour la pédagogie.

     


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