• SOUVENIRS, SOUVENIRS

     

     

    BIBLIOTHÈQUE

     

     

    J’ai sept ans et je viens d’entrer à l’école de mon village : toute petite, classe unique, deux portes et quatre fenêtres, un poêle dans l’ovale de sa grille, deux tableaux verts, six paires de pupitres sur deux files. Quant au maître, vingt-deux, vingt-trois ans peut-être, mais c’est Monsieur, dont la blouse grise en impose au moins timide.

     

    Je sais lire, écrire et compter, et même - jusqu’à la lettre M - tracer des majuscules sans trembler ni quitter la ligne. Du monde, je connais, outre les bois et les champs d’alentour, deux trois églises, autant de bourgs, le nom de l’Indochine, les travaux et les jours, le chien, les vaches, quelques machines qui dorment l’hiver sous les poutres du hangar, d’où pend la balançoire.

     

    Chaque samedi soir, le maître ouvre l’armoire aux livres. Elle veille à longueur de semaine, droite comme un i, plus sage qu’une image,  derrière le tableau des phrases et des problèmes. Brune, vitrée, fermée à clé, patiente elle attend. Par les transparences de son ventre, l’œil caresse les titres et l’or et l’azur et l’ivoire et l’incarnat des dos. On rêve, on imagine ; et quand elle offre à deux battants son trésor, on  reste coi dans l’espérance d’un nouveau fragment de l’univers.

      

      


    Tags Tags : ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :