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    La Tristesse du samouraï (Victor del Árbol)

    Roman très noir, cousu des très grosses ficelles qui semblent la marque du genre (à me fier aux quelques specimens que j'ai lus) : agréger le maximum d'horreurs autour du minimum de personnages, au prix d'invraisemblances  et elles ne manquent pas ici: combien de chances que le meurtrier d'une femme en Espagne se retrouve sur le front russe face au fils de celle-ci et à l'unique témoin du meurtre? comment une avocate se procure-t-elle la clef d'un fenêtre d'hôpital (l'auteur a d'ailleurs le culot de poser la question sans y répondre...)? Guerre, assassinats, incendie, complot, tortures, viols, séquestration, faux témoignages, chantage, femmes battues, fanatisme idéologique, arrivisme forcené, suicides, folie, à peu près tout y est - jusqu'au cancer qui dévore (lourd symbolisme?) la fille en même temps que le père; manquent séisme, sida , raz-de-marée, inceste (encore que...).

    On marche, évidemment. Entremêlant les époques, le roman distille les éclaircissements de telle manière que le lecteur entrevoit des hypothèses et des perspectives de rebondissements un peu avant le personnage central de l'avocate, et n'a qu'une hâte: les vérifier.

    C'est écrit avec une sorte de détachement, sans égard pour la douleur bien que ça regorge de sang et de larmes; délibérément, pour laisser à l'imagination du lecteur le soin de sécréter l'émotion, ou par impuissance à l'exprimer, on peut se poser la question. Ça fait parfois un peu résumé (le passé de Maria), parfois lieu commun - mais l'intrigue est tellement tordue qu'on veut à tout prix en connaître les méandres. Et certains personnages sont attachants ou fascinants à défaut d'être réellement sympathiques.

    Un détail qui me frappe: la liberté dans l'usage des points de vue. La plupart des romans de ce genre - il me semble - subissent tellement l'influence du cinéma ou des séries télévisées qu'ils s'en tiennent à une narration tout extérieure. Ici, aux moments les plus inattendus, on se trouve tout à coup projeté dans la façon de voir d'un personnage, et on en change tout aussi brusquement. Est-ce calculé? Est-ce une facilité, une ignorance des diktats du roman moderne, ou encore une indifférence?

    Quant à la traduction, elle laisse passer quelques curiosités: "jouer avec la vulgarité, pourvu de ne pas y tomber soi-même"... - le subjonctif est-il si redoutable à manier qu'il faille absolument éviter le "pourvu que" seul correct? Ou encore cette perle: "Maria déchira en mille morceaux cette photographie [...] et les jeta par la fenêtre que le vent [...] se chargea de disperser" : cette fenêtre éparpillée est pour le moins bizarre!

      


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    La vengeance du Mysterium, de Paul Doherty

    L'auteur, d'abord, me fascine: professeur d'histoire médiévale, il trouve le temps d'écrire pas moins de huit séries historico-policières tantôt sous son nom, tantôt sous divers pseudonymes. Je n'en suis que deux: celle de Hugh Corbett et celle de Kathrin Swinbrooke (cette dernière depuis longtemps sans nouvel épisode...). Peut-être, si j'en juge par le dénouement, Le Mysterium marquera-t-il la fin de la série Corbett.

    Le roman policier à cadre historique semble une spécialité de la colection 10/18: Ellis Peters, Edward Marston, Caroline Roe y figurent aussi, et d'autres encore que je n'ai pas lus (et n'ai pas l'intention de lire: se plonger dans un épisode, c'est contracter une épidémie!).

    J'ai lu Roe à cause de Gérone, qui lui sert de cadre; Marston parce qu'il met en scène une troupe de théâtre élisabéthaine, et Corbett à la suite du frère Cadfaël.

    Les intrigues ne me passionnent pas particulièrement, le style est parfois rugueux, il arrive qu'abonde ce que j'appellerai les passages obligés (tableaux de la foule médiévale, par exemple - moins copieux et indigestes toutefois que les intermèdes gastronomiques dans Nicolas Le Floch -, mais les personnages peuvent retenir l'attention: ce Corbett rude et pieux, son Ranulf douteux et dévoué... Et je dois avoir une prédilection pour la vieille Angleterre!

      


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    Shakespeare, de Bill Bryson (Payot)

    Petit mystère: le sous-titre français, Antibiographie, alors que le sous titre anglais signifie "Le monde comme scène".

    Un ton très américain: pragmatisme, assaisonné de ce qu'Amélie Nothomb appelle humour, mais qui est souvent plaisanterie facile ("On ne sait trop comment écrire son nom, et lui non plus apparemment", par exemple...).

    Un grand mérite: accepter comme inconnu ce qui l'est, et appliquer des critiques de simple bon sens aux élucubrations de tous ceux qui ont voulu que les pièces de Shakespeare n'aient pas été écrites par lui.

    Ne m'apprend presque rien que je n'aie lu ailleurs (sinon quelques particularités des antistratfordiens) mais c'est une excellente synthèse de ce que l'on peut raisonnablement considérer comme sûr ou extrêmement probable touchant "le Barde".

    Et c'est très agréable à lire.

      


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    Les Tudors, de Liliane Crété (Champs - Flammarion)

    Évidemment rien à voir avec un feuilleton télévisé ou un film en costumes. C'est une étude sérieuse, quoique sans difficulté de lecture. Un tableau gnénéalogique permet de s'y retrouver dans les filiations. L'exposé chronologique et les sous-titres aident à comprendre en quoi chaque membre de la dynastie a influencé l'histoire du Royaume-Uni. L'objectif n'est pas d'aguicher le public avec les démêlés matrimoniaux d'Henry VIII, mais bien d'éclairer le cours parfois tortueux des événements.

    Bref un ouvrage tout à fait recommandable aux lecteurs curieux de la période.

      


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    2008 : Gilles VERDET - La Sieste des hippocampes PROMÉTHÉE (fin)

    4 nouvelles. La première donne son titre au recueil. Il ne s'agit pas d'animaux marins, mais de la mémoire, comme dans la dernière nouvelle - dans les deux cas mémoire chamboulée, induite en erreur. Les deux autres nouvelles sont, à mes yeux, des sortes de performances; dans l'une l'intrigue s'entortille à plaisir, dans l'autre on croirait assister à une transposition sarcastique de l'assaut lancé par les gueux dans Notre-Dame de Paris. Un savoir-faire indubitable, mais dont la précision me paraît un peu encombrante.

      

    2009 : Marie LARREY - À travers les étés  PROMÉTHÉE (fin)

     15 nouvelles. Beaucoup d'enfants, rarement heureux; et des adultes trop absorbés par leurs propres passions. Tous les textes au présent, qui enferme dans l'émotion, la désolation souvent, quand on repense à un passé plus lumineux. Cette phrase: "Les nageurs épuisés s'abandonnent ainsi": telle est à peu près l'impression que laisse l'ensemble du recueil.

     

     2010 : Claire VEILLÈRES - Le Cavalier de Kladruby  PROMÉTHÉE (fin)

    6 nouvelles. Toutes ont pour personnages des chevaux, mais évidemment - et surtout - c'est aussi des humains autour d'eux qu'il s'agit. Rythme lent, psychologie approfondie, descriptions riches de symboles - du très classique en somme, qu'on souhaiterait parfois voir bousculé par un peu plus de passionn ou d'ironie.

      

    2011 : Annick DEMOUZON - À l'ombre des grands bois  PROMÉTHÉE (fin)

    14 nouvelles. C'est le thème de la photo qui relie celles-ci. Certaines sont tragiques, d'autres presque drôles, ainsi la première. Toutes se présentent comme des sortes de puzzle, morcelées, éclatées, en phrases courtes, haletantes. Le procédé semble à la longue fatigant, mais il est efficace.

      

      


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