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    Purge, de Sofi Oksanen

    Roman prenant par son intrigue et ses deux personnages principaux, dans lesquels se mêlent naïveté, astuce, énergie; évidemment Zara inspire plus de sympathie qu'Aliide, desservie par sa jalousie forcenée. Montage efficace, qui ménage les éclaircissements sans trop en retenir ni en donner plus que nécessaire.

    Sur le strict plan littéraire, des inégalités: des pages qui saisissent et peignent d'une façon étonnamment concrète en même temps qu'imagée le coup de foudre amoureux ou les stratégies de résistance de l'être humain à l'insupportable, d'autres maladroites, voire confuses (est-ce voulu pour traduire la confusion de l'esprit?); la fin en particulier prend une allure par trop documentaire, sans transposition aucune. 

      

      


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    La carte et le territoire - Michel Houellebecq

    Un remarquable condensé du monde actuel, depuis les réalités les plus banales (le plombier, le mendiant, le bébé qu'il faut changer dans l'avion de Beauvais...), jusqu'aux plus superficielles et futiles (la réception chez Pernaut) en passant par les technologies (ordinateurs, appareils photo, voitures), les modes dans l'art et la littérature - si l'on peut dire - et les inquiétudes humaines universelles (l'amour, la maladie). Le tout subtilement ironique, sans sarcasme et sans larmes, avec d'aimables pastiches du roman policier dans la dernière partie (où l'on reconnaît les tics du genre: scène de crime horrible, vieux briscard idéaliste, jeune enquêteur cultivé... renvoyés dans les cordes par une solution due au seul hasard) - qui n'empêchent pas que l'intérêt se retrouve soudain relancé avec une grande maestria-, et une irruption inattendue du roman d'anticipation à la fin.

    (À se demander si les accusations de plagiat de Wikipedia ne masquaient pas le dépit d'être tourné en dérision avec autant de finesse!)

    Oui, il méritait son Goncourt, ce roman-là!

     

     

     


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    Le vase où meurt cette verveine - Frédérique Martin

           Un bien joli titre, pour un roman qui culmine sur une scène horrible - à laquelle j'ai du mal à croire, malgré ce qui en est dit à la fin: "Certains événements sont au-delà du pardon ou de la compréhension, ils prennent racine dans des choses humaines trop lourdes pour être nommées. j'ai fini par admettre qu'on doit juste y consentir."

           Certes j'ai lu d'une traite avec intérêt (ou simple curiosité?), mais j'ai aussi peine à croire que les personnages puissent écrire comme ils écrivent: ouvrier agricole et femme au foyer si j'ai bien compris, et dotés d'un style dont la recherche étonne de leur part - d'autant plus s'ils sont si peu capables de prendre les initiatives qui auraient empêché ou interrompraient leur séparation. Le roman par lettres est une forme intéressante, encore faut-il que ces lettres paraissent vraisemblables - et ce serait encore mieux si elles contribuaient au progrès des événements, alors qu'ici elles en sont simplement le récit.

           Les gens heureux n'ont pas d'histoire, je sais; s'ensuit-il qu'il faille, pour faire un roman, joindre dans cette histoire l'atroce (la fille) au convenu du moment (le fils), et pourtant, en outre, réunir finalement les protagonistes (les parents) - "Je t'aime toujours, qu'y puis-je?" - ? Pour ma part, je n'oserais pas.

      


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    Les papiers d'Aspern - Henry James

    Un délice de douloureuse ironie. J'avais lu d'autres nouvelles de James, je ne me souviens pas qu'aucune m'ait paru aussi fascinante - peut-être parce que le sujet de celle-ci m'intéresse particulièrement.

    Nouvelle, oui, bien que publiée en collection de poche sous l'étiquette "roman": 180 pages d'une typographie aérée, très peu de personnages, et une action des plus simples : l'un des biographes du poète Jeffrey Aspern devient locataire à Venise chez une ancienne "amie" de celui-ci, à présent très âgée, dans l'espoir d'avoir accès à des manuscrits de l'écrivain, et pour y parvenir il tente de convaincre la nièce de la vieille dame de l'aider.

    C'est un mélange de comédie et de tragédie, raconté avec cette façon très anglaise (je crois) d'associer litote et crudité, ou de les alterner.

      


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    La Bataille de Toulouse - (José Cabanis)

         C'est un très beau texte, d'une simplicité raffinée. Un roman, sans doute, où se mêlent des éléments propres à l'auteur (au moins ce domaine de Nollet, et ce partage entre un travail et l'écriture; pour le reste, je suis incapable de faire le partage entre le biographique et l'imaginaire). On y avance comme dans un labyrinthe clair; des choses sont dites, d'autres suggérées - mais peut-être les autres volumes du cycle, que je n'ai pas, préciseraient-ils ce qui est juste effleuré. Au fond, c'est l'histoire d'un dépouillement, celui du narrateur, qui renonce à l'amour, à la foi, au voyage, même au roman envisagé (cette fameuse bataille...) pour parvenir à écrire. Le récit a beau être fait sur un ton retenu, la douleur s'y perçoit sans cesse sous la sérénité voulue.

         Ce n'est certainement pas un livre "grand public"; il floute tout ce qui pourrait être racoleur, plus exactement ne l'esquive pas mais le ramène à sa banalité, à son insignifiance. Je n'avais pas beaucoup aimé "L'Âge ingrat", tout en reconnaissant les qualités du style. Mais ce livre-ci est fascinant de justesse et de discrétion en même temps que d'expressivité.

      


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