• DEUX ÉLÉGIES

      

      

    ÉLÉGIE  PIEUSE

     

     

    Les mains qui savent des douleurs

           Écorner les griffures,

           Les chères mains qui furent

    Le seuil du havre où le haleur

    Retrouve souffle, ah ! dites-leur,

    Mes vers, combien sans elles

    L’avenir perdra de couleurs,

           Et l’allégresse d’ailes.

     

    L’imperturbable voix qu’un grain

           Plus ténu qu’une aurore

           Furtivement colore

    D’ennui, de colère, d’entrain,

    Dites-lui, mes vers, quel chagrin

           Fleurit sur son silence

    Et regrette jusqu’aux refrains

           De sa douce indolence.

     

    Mais au regard si clair qu’avril

           N’a de cieux que d’ardoise,

           Ne dites, s’il vous croise,

    Mes vers, dans la saison d’exil,

    Ne dites, même de profil,

    Ne dites mot qui trouble

    Son tain si limpide et subtil

           Qu’on y verrait son double.

      

     

     

    ÉLÉGIE  IMPIE

     

     

    Beaucoup s’en vont, quelques-uns meurent,

    Et leurs fantômes seuls demeurent

           Auprès de nous,

    Si près, mon Dieu ! qu’ils nous font mal,

    Jetant le corps, pauvre animal,

           Sur les genoux.

     

    Qu’il s’enroue en prière vaine,

    Nul espoir qu’un absent revienne

           Poser sa main

    Sur l’épaule à jamais déserte,

    Ni de rompre le fil des pertes

           Sur le chemin.

     

    Ils sont partis et le temps brûle,

    Pure essence en chaque cellule

           De notre chair ;

    Qu’il nous laisse au moins de leurs âmes

    Sentir sur nous briller la flamme,

           Fût-ce en enfer.

     

     

     

     


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