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1 - PRINCESSE CAPTIVE
De ma fenêtre le verrai-je
Sous le tulle qui me protège
Chercher le rire de mes yeux ?
Ne pourrait-il tomber des cieux
Un soir d’hiver avec la neige,
Ou se laisser par sortilège
Conduire vers l’aimable piège
Que lui tend le reflet joyeux
De ma fenêtre ?
Je suis la ville qu’on assiège,
Mais loin de craindre le manège
De l’assaillant, j’aimerais mieux
Le voir en un saut périlleux
Allègrement franchir l’allège
De ma fenêtre.
2 - SENTINELLE
De ma fenêtre je regarde,
Dès l’aurore montant la garde,
Tourner le jour et la saison,
Et la nuit - folie ou raison -,
Insomnieuse je m’attarde ;
Les flammes dont le soir se farde,
Le rayon blanc que l’aube darde,
J’en vois la moindre effloraison
De ma fenêtre ;
Je m’en voudrais si, par mégarde,
Je manquais l’heure où la camarde,
Lasse de ma vaine oraison,
Tendra sa faux vers ma maison
Pour me retrancher, goguenarde,
De ma fenêtre.
3 - MATIN D’HIVER
ou OMNIA VICIT LABOR
De ma fenêtre je regarde
Frissonner sous l’aube blafarde
Les arbres nus de février,
En écoutant le vent crier
Contre l’angle de la mansarde.
Des oiseaux noirs montent la garde
Sur les toits d’ardoise où s’attarde
Un glacis plus froid que l’acier
De ma fenêtre.
Mais voici qu’un rayon lézarde
La brume grise et se hasarde
À caresser mon encrier :
Si j’écrivais, pour oublier
Le gel sur la vitre hagarde
De ma fenêtre ?
4 - SPLEEN
De ma fenêtre on voit les jours
S’esquiver à pas de velours
Et sombrer sans adieu ni gloire
Au plus obscur de la mémoire,
Souvenirs perdus pour toujours.
De leur spectre on voit les contours
S’effacer, livides et gourds,
Sur la transparence illusoire
De ma fenêtre.
On y voit mourir les amours,
Et l’on entend les beaux discours
Qu’on se plaisait jadis à croire
Cogner parfois, dans la nuit noire,
En vain contre les volets sourds
De ma fenêtre.
5 - RÉALISME ?
De ma fenêtre au ras du toit,
Je n’attends pas, comme on le croit,
Que vienne l’oiseau de légende
Ni que le ciel en pluie épande
L’or que prit Zeus pour masque étroit.
Ni mon front sur le verre froid
Ni mon esprit - bien trop adroit -
Ne rêvent d’un cœur qui dépende
De ma fenêtre.
Et quand la pulpe de mon doigt
Dans la buée ouvre un détroit
Et le festonne et l’enguirlande,
Mon œil n’escompte pour provende
Que voir clairement ce qu’on voit
De ma fenêtre.
6 - SEPTIÈME CIEL
De ma fenêtre tu verras,
Quand je te tiendrai dans mes bras,
Le ciel dorer sa voûte immense
Et pour notre amour qui commence
Dresser cent décors d’opéras ;
La chair confite des cédrats
Et la chaleur de l’hypocras
Scelleront pour toi la clémence
De ma fenêtre ;
Et sans brillants de vingt carats,
Sans brocarts, martres ni surahs,
Quand du bonheur pur la semence
Aura fleuri dans ma romance,
À jamais tu te souviendras
De ma fenêtre.
7 - HEURE DERNIÈRE
De ma fenêtre, un soir d’avril,
Mon âme, ayant rompu le fil
Si léger, si fin, si fragile
Qui l’arrime au corps imbécile,
Prendra son vol d’un clin de cil.
Fi de la crainte et du péril !
Le regret ? Hochet puéril
À l’instant de quitter l’asile
De ma fenêtre.
Vers la lune, sublime exil,
Nid secret du feu volatil,
Laissant du corps l’humble fossile,
Se résoudre en féconde argile,
Fuira sans peur l’esprit subtil
De ma fenêtre.
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