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    La vérité sur l'affaire Harry Quebert, de Joël Dicker

    Oui, un bon gros feuilleton, je ne vois pas d'autre définition qui convienne mieux. Les découvertes sont distillées avec l'art du suspense qu'on attend d'un feuilletonniste, les personnages se révèlent évidemment autres qu'on ne croyait, tout le monde ment avec une imagination remarquable, les coups de théâtre (incendie, meurtre, fuites arrangées...) interviennent à point nommé pour interrompre les révélations, bref c'est parfaitement machiné - mais pas assez pour qu'on ne puisse répartir sa lecture  en plusieurs séquences (en tout cas moi, qui ai lu paresseusement par tranches au petit déjeuner!). Peut-être est-ce parce que les personnages ne sont ni particulièrement attachants ni très vrais (certains sont de vrais caricatures par moments: les scènes chez les Quinn...); la "folie" de Nola, l'incendie où meurt sa mère me semblent redevables à À l'est d'Eden comme à Psychose; les réflexions sur l'écriture n'ont rien d'exceptionnel et les extraits du roman de Quebert ne justifient guère la réputation qui lui est attachée...

    Grand prix de l'Académie Française? On relève pourtant des fautes de français (la plus voyante: "se rappeler de", réitérée avec constance..).


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    PAROLES DE GISANTE

     

      

     

    « Vous approchez ; vos pas, sur la fraîcheur des dalles,

    Posent les frôlements de ferveurs inégales ;

    Celui qui vient complaire au culte du passé

    Laisse flotter vers nous un œil déjà lassé ;

    Un autre à son regard tient greffé l’oculaire

    Aveugle à tant de feux étouffés sous la terre ;

    Comme insensible à l’ombre éparse dans la nef,

    L’étourdi n’a pas même ôté son couvre-chef,

    Et l’ignorant nous rêve au gré de la légende

    Que nous forge une plume avide de prébende.

    Tous, vous guignez de haut nos corps roides et froids,

    Nos mains dévotement jointes sur une croix,

    Nos fronts muets étreints dans l’étau des couronnes

    Et nos bliauts sculptés en longs plis monotones.

    Sous les carcans de pierre, entendrez-vous les cœurs

    Battre l’ardent rappel de fièvres, de fureurs ?

    Savez-vous que je fus duchesse et deux fois reine ?

    Que j’osai soulever ma rancœur souveraine

    Contre l’époux qui dort à présent près de moi ?

    Et que j’ai vu périr mon fils, tout juste roi,

    Puis ma bru, vaine veuve aux entrailles stériles ?

    Voyez-nous reposer côte à côte, tranquilles,

    En paix dans le tombeau comme jamais vivants,

    Quand notre orgueil jetait ses cris aux quatre vents !

    Dormons-nous ? Rêvons-nous ? Qui sait ? Sommes-nous même

    Dans l’ombre, quelque part, un peu plus que l’emblème

    De siècles révolus aux emportements fous ?

    Nuit et jour nos gisants, sous vos yeux ou sans vous,

    Ne font-ils qu’opposer leur dur poids de Carrare

    À la voûte infinie où le songe s’égare ?

    Ou notre âme parfois vient-elle obscurément

    Verser à leur ennui son doux chuchotement,

    Sous l’éternel regard qui de partout peut-être,

    Du vitrail, de l’ogive ou des tréfonds de l’Être,

    Voit comme une fragile et frivole entité

    Ceux qui sont en ce monde et ceux qui l’ont quitté,

    Nous, spectres cuirassés de marbre incorruptible,

    Et vous, passants d’un jour que le temps prend pour cible ? 

    Vos pas déjà lointains, qu’emportent-ils d’ici ?

    Un souvenir bientôt recouvert d’un souci,

    Confuse image au bord d’une vague pensée,

    Étincelle dans l’ombre à l’instant effacée…

    Vous oublierez, nous dormirons encore un peu,

    Sans émois, sans soupirs, sans tendresse et sans feu,

    Puis nous disparaîtrons nous aussi, quand les pierres,

    Marbre même et granit, finiront en poussières. »

     


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    LE RÊVE DE L'ÉLÉPHANT 

     

     

    Je n'ai nul souvenir

    de la jungle où le tigre rugit encore,

    ni des enfants aux joues de cuivre,

    ni du parfum de safran qui colore

    les pays voisins de l'aurore.

     

    Et toi, beau cheval bai, les connais-tu,

    les immenses plaines de l'ouest

    et les monts où les torrents roulent de l'or,

    ces espaces que foulent tes frères sauvages?

     

    Ici, comme toi, je porte panache,

    comme toi je me cabre et danse

    - un peu plus lourd, un peu moins leste -,

    je partage ta paille et ton foin;

    la vie est calme, et serait triste

    sans les yeux étoilés des enfants

    et les tendres bourrades des garçons de piste.

     

    Mais, cheval bai, mon frère,

    n'as-tu jamais vu sous l'ombre des gradins,

    dans les plis vastes de la toile,

    n'as-tu pas vu mon cornac et ta cavalière

    se faire les yeux doux?

    N'as-tu pas vu leurs mains

    à la cravache qui n'empoigne que l'air

    se préférer l'une l'autre?

    De ta litière, n'entends-tu pas

    les soupirs et les rires de leurs ébats?

     

    Un jour peut-être, le jour où ils auront

    plein d'enfants et leur cirque à eux,

    ils nous conduiront vers les Indes et vers l'Amérique:

    alors je verrai

           la jungle où le tigre rôde encore.

    et toi

           les étendues sans borne du Far West!

      

      


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